L'histoire du Chalet-Hôtel

L'histoire d'une ancienne ferme de famille peu à peu transformée en un confortable hôtel.

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Au début de l'été 1947, l'hôtel Gai Soleil recevait ses premiers clients. Mais ce n'était pas le Gai Soleil que l'on connaît aujourd'hui.

C'est en 1823 que la ferme fut construite par Pierre-Joseph Mermoud afin d'y loger sa nombreuse famille.
Né en 1796, il se maria deux fois, eut quatre enfants du premier mariage et dix du second.
Ce qui peut expliquer sa boulimie de maisons, puisqu'il en construisit quatre !

Les photos anciennes nous donnent une idée précise de ce qu'était la ferme qui devait devenir le Gai Soleil :
une bâtisse solidement campée sur des murs de 80 à 90 cm d'épaisseur, le haut des façades Est et Ouest est en bois, sur deux niveaux, une « loge » sur la façade Ouest et une toiture en ancelles (plaques de bois d'épicéa taillées dans le fil).

L'histoire du Gai Soleil commence vers 1920...

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...avec notre grand-père Albert, petit-fils de Pierre-Joseph, né en 1871.
Il y est agriculteur-éleveur; l'été, il possède les alpages de la Bûche-Croisée et de Roselette et pratique également le commerce du bétail.
Il est ouvert au monde moderne, au point d'être un des premiers aux Contamines à posséder une automobile...
Voyant que le haut de la vallée intéresse de plus en plus les touristes, il fait aménager deux chambres dans la ferme, pour la location estivale.
Mais il n'était pas question d'abandonner l'activité agricole et pastorale.

C'est aussi au début des années 1920 qu' Anne-Marie Espritoz, notre mère, est initiée dès 12 ans à la cuisine et à l'accueil des touristes.
Son oncle et sa tante tiennent l'été le refuge de Tré-la-Tête. Sa cuisine est réputée au point que les touristes, dit-on, y montaient pour le plaisir de manger !
La cuisine était au beurre et à la crème. On y élevait de la volaille, des lapins, des moutons, des vaches pour le lait et ses dérivés.
Même si le cadre et le mobilier étaient rustiques, les couverts étaient en argent, au grand dam d'Anne-Marie et de ses sœurs, qui avaient la charge de les entretenir au Blanc d'Espagne.
Elles devaient surveiller l'arrivée des clients au détour de la forêt, à 30 minutes environ de l'hôtel, aider à tuer et à dépouiller les animaux, parfois descendre au village s'il manquait quelque chose...
Puis ce fut, pour notre mère, à côté de sa tante, le réel apprentissage de l’hôtellerie ainsi que la cuisine, la pâtisserie et le le sens de l'accueil. Sans le savoir, elle allait se trouver préparée pour un nouveau métier, vingt ans plus tard.

Anne-Marie se maria avec notre père, Fernand, en 1930

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...et vint habiter la ferme - qui est maintenant le Gai Soleil-après la mort de notre grand-père la même année. Les années trente furent difficiles.
La division du patrimoine des grands-parents, les épreuves des décès et de la maladie, la vente de biens devant remplacer une sécurité sociale encore inexistante, peu de terres en vallée pour nourrir une famille nombreuse, tout cela allait conduire nos parents à rechercher une autre voie pour subsister. Le tourisme allait leur offrir cette possibilité après la guerre.

Notre mère avait conservé le goût du contact avec les touristes, et n'eut pas trop de mal à convaincre son mari de se lancer dans l'hôtellerie, en commençant au bas de l'échelle, celle de la pension de famille, tandis que Fernand continuerait l'exploitation de la terre : vaches et clients coexistaient dans le même bâtiment !

On cassa tout ce qui ne pouvait pas servir, on ouvrit avec difficultés des fenêtres dans des murs qui semblaient avoir été construits la veille, pour faire la salle à manger et 10 chambres. On installa un bar, on équipa la cuisine et, au début de l'été 1947, l'Hôtel-pension Gai-Soleil recevait ses premiers clients. Bien sûr, les enfants furent mis à la tâche : on m'envoya faire des stages de cuisine,
Renée, Ginette, Jeanne-Élise s'initièrent elles aussi pendant les vacances scolaires à ce métier, ainsi que Gilberte, plus tard.

Les débuts ne furent pas faciles, sur le plan financier surtout. Les prix très modiques, et le souci permanent de bien servir les clients, souvent au-delà de ce qu'il aurait fallu pour assurer une rentabilité honnête, eurent toutefois l'heureuse conséquence de donner très vite une solide réputation à l'établissement et de fidéliser la clientèle.
Mais il fallait faire feu de tout bois pour développer l'activité de l'établissement, et assurer les lourdes charges financières de l'emprunt contracté pour l'aménagement.
Le bar restait ouvert toute l'année pour les gens du pays, et il servait aussi de salle de restaurant pour les ouvriers.
On faisait également des repas de communion, de mariage, des banquets de classes ou d'Anciens Combattants...
Mais l'activité la plus forte en sensations était les bals que notre père prenait plaisir à organiser une à deux fois par an.

Il le faisait autant pour augmenter les recettes, que par amour de l'accordéon et de la danse !

Il n'hésitait pas à faire venir des accordéonistes dont la réputation dépassait largement les frontières savoyardes, ce qui amenait du monde de toute la vallée.

Nouvelle idée

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L'idée, très à la mode aujourd'hui, de faire cohabiter une ferme et un hôtel, ne l'était pas vraiment à l'époque, mais ça ne se passait pas trop mal, les clients appréciant les produits directement issus de la ferme.
Pourtant la situation ne devait pas durer. Dix chambres, soit une vingtaine de clients, n'étaient pas suffisants pour s'en sortir financièrement. Il fallait construire d'autres chambres, en utilisant une autre partie du volume de la grange, et donc mettre le bétail en dehors de la maison.
Au début des années 50, on fit construire une étable indépendante.
On libéra le volume de la grange, et on put ainsi réaliser trois nouvelles chambres, au deuxième étage.

La cohabitation était terminée, mais pas la double activité, et celle-ci devenait lourde à assumer.
Elle dura pourtant encore une dizaine d'années, jusqu'en 1961/62. Plus de produits de la ferme, plus de pâtés et de saucissons fumés préparés par notre mère à partir du cochon élevé à cet effet avec les restes de la cuisine, plus de lait et de crème du jour, plus de poulets, de canards, de cabris et de moutons issus de la ferme !
Les clients durent ronchonner quelque peu, et on les comprend.
Mais pour la famille se fut sans doute pire : pour la première fois depuis des siècles, une génération abandonnait ce qui avait toujours fait vivre ses ancêtres dans cette vallée.
Une page se tournait avec nostalgie, sinon avec douleur. Et en 1963 l'étable fut remplacée par un chalet d'habitation pour nos parents.

 

Renée reprend le flambeau

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En 1968, nos parents confient la charge de l'exploitation de l'hôtel à Renée, qui y a toujours travaillé jusque-là. 

Dès lors, elle n'aura de cesse de rénover, construire, décorer, embellir. Elle a hérité de la passion de bâtir de notre mère, et lui donnera libre cours, pour son plus grand plaisir et celui des clients qui découvrent chaque année des améliorations.
En 1973/74, elle refait la salle à manger en l'agrandissant, un grand salon, et cinq nouvelles chambres dans le dernier volume restant de la grange.

Mais ce qui a été fait avant ne correspond plus, ni à son goût, ni, pense-t-elle, à celui des clients.
En 1976, elle va donc tout refaire à neuf, en ajoutant deux chambres supplémentaires.
Une nouvelle cuisine, aux normes, est reconstruite.
Bien entendu, les murs extérieurs et le toit sont conservés pour préserver le cachet de la maison.

Derniers gros travaux en date : en 1993, la toiture est refaite pour donner plus d'espace et de lumière à trois chambres du deuxième étage, en y créant de larges balcons, très appréciés, comme on peut s'en douter.
Mais Renée pousse son souci du respect des formes et du style de l'ancienne ferme jusqu'à faire recouvrir tout le toit de « tavaillons », comme dans le temps, mais cette fois avec un bois que ne connaissaient pas nos ancêtres,
le Red Cedar ou Tuya Géant du Canada. Quelle sera la suite de l'histoire de la ferme du Gai-Soleil ?
Souhaitons-lui de continuer à donner du plaisir pendant un moment de vacances à ses hôtes, comme elle en donne à celle qui les reçoit, dans un plaisir partagé.

 Ecrit par Albert Mermoud en juin 1997

En mai 2016 , après 193 ans dans la famille Mermoud, nous rachetons l'hôtel. A notre tour d'accueillir nos hôtes avec plaisir et de leur faire partager le bonheur d'être à la montagne. Nous garderons intacte l'âme de ce chalet et nous pérénniserons la tradition hôtelière de la famille Mermoud.

Valérie, David et Lucas Krommenacker

( septembre 2016)

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